Les limaces sont des ravageurs malheureusement bien connus des agriculteurs car elles peuvent entrainer des dégâts économiques très importants. Par exemple, pendant des périodes de semis de tournesol ou de colza, elles peuvent venir se nourrir des graines, des germes, des premières racines et des jeunes plantules, ce qui aura un effet désastreux sur le rendement. Les limaces noires sont particulièrement féroces en début de culture car elles restent essentiellement dans le sol et se nourrissent de la biomasse souterraine. Les limaces grises, aussi bien connues, viendront quant à elles plutôt dévorer les parties aériennes des plantes (tiges, feuilles, fruits, fleurs…) et possiblement dès leur sortie de terre.
1- Naissance du LIMACAPT
Des solutions anti-limaces existent et c’est pour savoir précisément quand les appliquer et à quelle dose que les limaces sont particulièrement surveillées. C’est pourquoi De Sangosse a mis en place un réseau d’agriculteurs réalisant des comptages de limaces sur des pièges à relevés manuels, l’observatoire anti-limaces. Seulement de telles observations sont contraignantes.
Le LIMACAPT est issu d’un partenariat initié en 2015 entre la société De Sangosse, acteur mondialement reconnu pour ses anti-limaces, et Cap 2020, start-up de l’AgTech. En effet, l’expertise de De Sangosse sur le suivi et la gestion des limaces en agriculture, et la capacité de Cap 2020 à développer et prototyper rapidement des objets connectés et des algorithmes de traitement d’image ont permis de réaliser le tout premier prototype de LIMACAPT en 2016. Le LIMACAPT est en effet un dispositif autonome et connecté qui permet de détecter et compter automatiquement les limaces au sol puis de renvoyer ses comptages vers une application dédiée.
2- Prototypes et évolutions
Projet particulièrement ambitieux, mêlant traitement d’images embarqué, apprentissage, optique, télécommunication, autonomie énergétique, le défi relevé était de taille. C’est pourquoi Cap 2020 et De Sangosse ont choisit de réaliser plusieurs preuves de concept (POC) permettant de répondre aux questions suivantes :
Peut on voir les limaces (y compris de petite taille) sur des prises d’images pour un coût contenu de matériel (caméra) ?
Peut-on compter les limaces à partir de ces images en se contentant d’une puissance de calcul limitée (algorithme à embarquer dans le dispositif) ?
Peut-on imaginer un dispositif tenant compte d’un certain nombre de contraintes (facilité de déploiement, stabilité, robustesse, autonomie énergétique) permettant le comptage des limaces ?
Les POCs LIMACAPT ont permis d’avancer sereinement vers un dispositif industrialisé, levant au passage un certain nombre d’incertitudes et permettant un travail de fond sur un algorithme novateur permettant un comptage fiable et une classification fine des limaces, et pourquoi pas dans l’avenir d’autres types de ravageurs ou auxiliaires.
3- Récompense et suite du projet
C’est en 2019 que les travaux menés et l’existence du LIMACAPT sont dévoilés au grand public lors des SIMA Innovation Awards. Lors de ce concours, le LIMACAPT remporte la médaille de bronze et est exposé pendant toute la durée du salon au parc des expositions de Paris Nord Villepinte.
Rémi Pabis de De Sangosse présentant le LIMACAPT au SIMA 2019
4- Interview de Rémi PABIS (De Sangosse) et Julien Orensanz (Cap 2020) suite à la réalisation du projet
De quoi est partie l’aventure LIMACAPT ?
Rémi (De Sangosse) : DE SANGOSSE (leader sur le marché des anti-limaces) anime depuis 2003 un réseau de suivi de l’activité des gastéropodes ravageurs des cultures (limaces et escargots) nommé l’Observatoire DE SANGOSSE. L’Observatoire DE SANGOSSE est basé sur un réseau d’agriculteurs partenaires répartis sur toute la France qui font des observations dans leurs parcelles à l’aide de pièges à limaces.
L’arrivée de nouveaux capteurs connectés dans les parcelles pour observer les ravageurs nous a donné l’idée d’investiguer pour essayer de transposer ces technologies à l’observation des limaces. L’idée était de mettre au point un système de comptages automatiques des limaces. Après des essais infructueux avec une première technologie, nous avons échangé sur la faisabilité de ce projet avec CAP2020 qui avait déjà développé des pièges connectés. Malgré les nombreux inconnus, le projet leur a paru très intéressant.
Julien (Cap 2020) : On connaissait De Sangosse depuis plusieurs années, et en 2015 alors qu’on discutait de différents projets sur lesquels on pourrait travailler ensemble, est venue la question d’automatiser les comptages de limaces notamment ceux effectués par les agriculteurs participant au programme ciblage anti limaces. On commençait à développer nos dispositifs de comptages automatiques de papillons ravageurs (CapTrap) et ce projet, qui présentait de nombreuses difficultés, nous a paru un défi intéressant.
Quel est le rôle de chacun dans un tel projet ?
Rémi : Le rôle de DE SANGOSSE sur ce projet a été d’apporter dans un premier temps toute l’expertise technique sur la connaissance du ravageur. En effet, fort de 15 ans d’expérience sur le suivi de l’activité limaces en France grâce à l’Observatoire, nous avons pu définir avec CAP2020 quel serait la meilleure manière de suivre l’activité du ravageur.
Une fois la stratégie définie, c’est là que toute l’expertise de CAP2020 sur les nouvelles technologies est rentrée en jeu. Il fallut valider la faisabilité du projet à l’aide d’une première preuve de concept. Pour cette phase DE SANGOSSE était en charge de fournir le matériel biologique pour faire les observations.
Puis il y a eu une deuxième preuve de concept permettant d’aboutir à la création d’un prototype autonome et de l’algorithme de reconnaissance par CAP2020. Durant cette phase, DE SANGOSSE a mis à contribution son réseau d’agriculteurs piégeurs permettant de déployer les appareils dans un grand nombre de situation et d’environnement très varié.
Julien : Notre mission était de réaliser une première preuve de concept afin d’évaluer la faisabilité du comptage automatique par vision, puis une seconde preuve de concept afin d’être certain de la viabilité d’un tel dispositif (cout, durabilité, fiabilité et précision du comptage) ce qui a compris la réalisation d’un algorithme avancé de traitement d’images. La réalisation des différentes versions de l’algorithme s’est faite sur 3 ans et a nécessité une année homme et demie. Enfin on devait sélectionner des industriels capables de produire un dispositif en série tout en maintenant voire améliorant les résultats de la preuve de concept. J’avoue que les premiers dispositifs déployés pour la première preuve de concept étaient rudimentaires ! Mais ils ont permis de lever les doutes initiaux : le comptage automatique était possible. Les dispositifs suivants étaient eux pleinement fonctionnels (traitement embarqué, autonomie énergétique, transmission de données) et proches du dispositif industriel commercialisé par De Sangosse.
L’apport de De Sangosse au niveau du développement de l’algorithme et du dispositif a été primordial. Les déploiements et suivis expérimentaux ont permis d’avoir un algorithme et un dispositif qui fonctionnent dans un très large panel de situations, de cultures, de sols, de conditions climatiques, de biodiversité végétale et animale sans que cela ne dégrade la qualité des comptages.
Quels ont été les principaux défis de ce projet ?
Rémi : Je dirais que le principal défi a été le développement de l’algorithme de reconnaissance et l’embarquement de celui-ci sur une machine complexe qui fonctionne de manière autonome H24 au fonds des champs quelques que soit la période de l’année et les conditions météos.
Julien : L’algorithme de comptage en lui-même. Un tel algorithme n’existait pas au départ et il a fallu inventer le matériel et les traitements d’image qui pourraient produire un comptage fiable, qui plus est sur un sol agricole peu ou pas nettoyé, avec énormément d’artefacts visuels. La plupart des applications du traitement d’images se font sur des images beaucoup plus faciles, avec un fond neutre par exemple. Ce n’était pas le travail d’un seul homme et je salue tous ceux au sein de Cap 2020 qui ont contribué à ce travail remarquable.
Une anecdote sur le projet ?
Rémi : Oui, je me souviens de la première fois où je me suis adressé à la R&D DE SANGOSSE pour demander des limaces. Ils m’ont demandé pourquoi c’était faire, et quand je leur ai dit que c’était pour des « lâchers » de limaces nocturnes afin de les prendre en photo, ils m’ont demandé si j’étais sérieux ou si c’était une blague.
Julien : Je me rappelle des premiers déploiements la nuit, à la lampe torche, sous la pluie, ou encore les 10 dispositifs de la preuve de concept, tous alignés dans mon jardin afin d’être testés avant de les fournir à De Sangosse pour les envoyer aux quatre coins de la France acquérir les précieuses données ayant permis de valider l’algorithme.
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